Ruby est un minimoys. Du haut de son mètre-vingt, on ne peut pas dire qu’elle en impose par sa taille, hein ! Fine autant que souple, ce n’est pas la force qui la caractérise, mais plutôt l’agilité. N’ayant que neuf ans, son corps n’est pas très développé, et du coup, ses formes non plus. Avant, elle ressemblait à toute autre petite fille. Mais Né-Andarta lui donna un teint blafard, presque blanc, comme si elle n’avait jamais vu le soleil. Son visage enfantin est souvent étiré d’un sourire, mais rarement un sourire amical. Ce sera plus un rictus sadique et joueur- oui, oui, les deux en même temps – montrant que si vous ne voulez pas jouer avec elle vous risquez de le regretter. Ses yeux sont d’un rouge qui rappelle étrangement la couleur du sang ; ils sont malveillants, mais ils reflètent toutes les émotions de Ruby. Même si son visage est aussi expressif, ce sont avec ses yeux que vous devinerez son humeur, et pourquoi pas ses pensées. Ses cheveux plus noirs que les ailes d’un corbeau, mis-longs et souvent attachés en deux couettes, contrastent avec le rouge de ses yeux. Sa bouille adorable entière contraste avec la méchanceté et le sadisme qui se lit facilement dans la posture de Ruby. L’enfant, friande de jeux, aime se déguiser, et surtout porter des masques de toutes sortes, passant du plus innocent au plus dérangé. En tout cas, si Ruby a l’air d’une enfant, son âme, elle, en est bien loin…

Ruby est une enfant très joueuse. Après tout, s’amuser est la première chose à laquelle devrait à se soucier un enfant. En tout cas, c’est la morale de Ruby. Elle refuse de s’impliquer dans les histoires des grandes personnes, tellement compliquée et saugrenue ! La vie d’un enfant est tellement simple, en comparaison. C’est pour ça que Ruby refuse de grandir. Pour elle, la chose la plus importante dans sa petite vie, c’est jouer et s’amuser sans se soucier du reste. Elle adore les blagues, et surtout rire. Même si ces blagues, le plus souvent, ne font rire qu’elle. Ses jeux également. Mais par contre, si un jour vous vous retrouvez en face d’elle, que cette enfant vous raconte une blague ou vous propose de jouer avec elle, et que vous refusiez ou que vous ne rigoliez pas… Fuyez. Parce qu’il y aura de grandes chances qu’elle commence par bouder. Si vous la voyez faire une moue agacée, que ses sourcils se froncent qu’elle croise ses bras contre sa poitrine… c’est le début de la catastrophe. Ensuite, elle vous reposera la question d’une voix toute calme et innocente. Quand elle prend cette voix-là, c’est aussi un signe avant-coureur. Et puis, si vous avez le malheur de croire que ce n’est qu’une fille fable et sans danger, ou que ce soit vous qui soyez faible… disons que ce sera vous la cible de son jeu. Oh oui, cela l’amusera sans aucun doute de vous arracher les yeux, de vous couper les doigts avec une de ses pinces fétiches, de vous ouvrir le ventre pour en sortir vos boyaux ou vos intestins pour un faire un joli nœud, ou autre petits jeux de ce genre… tout en prenant bien soin évidemment que vous soyez toujours vivant. Ce serait pas marrant sinon ! C’est un bon exemple de jeu à laquelle Ruby aime prendre part. Il en faut d’ailleurs peu pour que ces jeux finissent par prendre cette tournure… mortelle. Que ses compagnons de fortune soient des animaux ou des hommes, d’ailleurs.

Mais bon. Il ne faut pas croire qu’elle est toujours comme ça. Non, Ruby peut être très gentille. Si vous avez le courage de bien vouloir jouer avec elle, que vous riez à ses blagues et qu’elle ne voit pas que vous mentez – car c’est encore une chose à laquelle elle a horreur –, elle vous… adoptera. Comme une fillette adopte un chat, à vrai dire. Elle prend tout le monde – animaux et homme – pour ses jouets. Alors si un jour quelqu’un accepte de jouer avec elle – de sa propre volonté, et non sous la menace et la contrainte de Ruby –, elle ne le lâchera pas aussi facilement ! Ruby voit la vie comme un grand jeu. Alors si en plus ce jeu devient encore plus amusant comme il l’est devenu… cela ne pourra que la réjouir.

Ruby est née d’une mère gitane. Par définition, elle aussi est une gitane, une bohémienne. Elle est née dans une caravane dans laquelle elle a passé toute sa courte vie, avec sa mère, Lily. Toutes deux habitaient avec une troupe de gitans, qui allaient de ville en ville, de village en village, de champs en champs dans leurs vieilles caravanes. Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’ils n’étaient pas bien accueillis. La plupart des gens pensent qu’ils ne viennent pas du même monde. Les gitans ont la réputation d’être des voleurs – ce en quoi ils n’avaient pas totalement tort, d’ailleurs. Ruby vécut une enfance… pas comme les autres, si on peut dire. Déjà, elle ne connut pas son père, et Lily ne lui en a jamais parlé. Sa mère était du genre à coucher n’importe où n’importe comment, alors personne ne fut étonnée lorsqu’un beau jour elle revint en étant enceinte. Ce qui surprenait plus, c’était qu’elle voulait garder le bébé, sous les bonnes raisons qu’elle n’avait « pas les moyens de payer pour qu’on le lui arrache », selon elle. Chacun s’était satisfait de cette réponse, et neuf mois plus tard, Ruby était née.

Savez-vous qu’une troupe de gitans forme une grande famille ? Même s’ils n’ont aucun lien de sang, ils sont tous cousins. Tous adorèrent Ruby dès le premier jour de sa naissance. Lily vit en elle un grand potentiel. Il est vrai qu’elle ne faisait pas une bonne mère. Mais elle était une excellente protectrice, une confidente hors pair… bref, au lieu d’être la mère de Ruby, elle était sa meilleure amie. Elle ne lui disait absolument pas ce qu’elle devait faire, lui enseignant tout ce qu’un gitan doit savoir… c’est-à-dire des trucs pas très légaux. Entre autre Ruby apprit très tôt à voler, d’abord dans des stands de rue, des petits objets, puis de plus en plus grands, jusqu’à ce que sa finisse dans des grands magasins. La petite taille de Ruby aidait beaucoup. Elle volait un peu partout, ici et là, de quoi se nourrir et de quoi s’amuser. Parce que l’amusement, c’était une chose a laquelle Ruby tenait beaucoup. Comme sa famille ne tenait pas à ce qu’elle se mélange avec les non-gitans – comme la plupart des gens du voyage, ils croient que tout ce qui est non-gitan est de la merde, elle restait avec les autres de son âge.

Ruby était une enfant charmante, intelligente et rusée. Mais elle était loin d’être parfaite, bien au contraire. Elle avait un léger… problème, appelons-le comme ça : il lui arrivait d’avoir des accès des crises, des pulsions de sadisme. Au début, c’était plutôt innocent. Après tout, quel gamin ne tape jamais sur ces camarades ? En tout cas, les adultes ne s’en occupaient pas plus que ça quand un des gamins venait en pleurant que Ruby l’avait frappé. Les gitans sont particulièrement pour que les enfants se débrouillent entre eux pour devenir indépendant. Alors la jeune gitane pouvait continuer de faire souffrir… accidentellement ses camarades de jeu sans craindre les conséquences. Ceux-ci d’ailleurs restaient malgré tout avec Ruby, car elle possédait ce charme si particulier qui attire les abeilles au miel… Pourtant, au fur et à mesure que passaient les années, les simples coups de pieds et de poing se transformèrent en des objets un peu plus… tranchants. Elle découvrit de nouveaux moyens de faire mal, avec une grande satisfaction d’ailleurs, durant ces périodes de crises de plus en plus fréquentes. Elle développa un gout prononcé pour les pointes de compas et de ciseaux. Quand elle fut en âge d’entrer a l’école primaire – une école spécialement pour les gitans, précisons le bien – Lily ne tarda pas à recevoir un courrier stipulant poliment que Ruby était élégamment mise à la porte sous raison d’avoir « martyrisé son voisin de table avec une pointe de compas, devant témoin disant qu’elle prenait plaisir à le lui enfoncer de multiples fois ». C’est là que le comportement de Lily changea de tout au tout. Elle était d’accord pour beaucoup de choses, mais la violence était une de celle qu’elle ne supportait pas. Ruby découvrit d’où lui venaient ses pulsions. Sa mère avait les mêmes dès qu’il était question de violence d’autrui. Elle, ça ne lui dérangeait pas, mais des autres elle ne pouvait pas le supporter. Drôlement déséquilibrée la gitane… Telle mère, telle fille, comme on dit. En tout cas, la meilleure amie qu’était Lily se transforma d’un coup en folle psychopathe… Elle entraina Ruby dans leurs caravanes et la frappa. Une fois. Deux fois. Trois fois. Des énièmes coups dont Ruby ne pouvait échapper. Elle ne pouvait rien faire. Elle apprit la peur de la victime et se jura de ne jamais ravoir à subir pareille torture, qui était moins physique que mentale.

La terreur la chargea d’une énorme dose d’adrénaline. Sa mère n’arrêtait pas de frapper. Elle lui faisait jurer de ne pas recommencer, qu’elle n’était qu’une gamine et qu’elle n’avait pas à faire du mal aux autres. Et puis une crise de sadisme prit Ruby d’un coup. La peur et ses pulsions firent un mélange… explosif. Ruby, alors âgée de mois de dix ans, attrapa un des couteaux de cuisine posé non loin et les planta violemment dans le cou de sa mère. Le sang gicla partout, même sur elle. Sans le savoir, elle avait touché la carotide du premier coup. Pourtant Ruby continua son massacre, encore et encore. Elle était en pleurs et elle riait en même temps, elle avait l’air complètement folle. Quand le chef de famille entra dans la caravane pour voir d’où provenaient les cris qu’il avait entendu, il ne trouva que Lily baignant dans une mare de sang, le visage et tout le corps plantés d’innombrables coups de couteau, bel et bien morte. Ils retrouvèrent Ruby, couteau en main, derrière la caravane, du sang plein les vêtements, signe qu’elle n’était pas étrangère à cette histoire.

A partir de là, la vie de Ruby devient un cauchemar. Le chef de famille fut forcé de la livrer à la police. Ruby, qui avait appris à haïr les non-gitans, se referma, livrée à elle-même. Sa famille l’avait complètement abandonnée. Ils ne voulaient pas être encore plus rejetés qu’ils ne l’étaient déjà, et c’était compréhensible. Durant son procès, cela ne fit aucun doute qu’elle était coupable de tout, et la défense de la mère parvint même à argumenter que le geste de Ruby était prémédité. Elle fut condamné jusqu’à sa majorité à la prison pour enfants du coin – oui, oui, ça existe –, avec examen psychiatrique complet. Elle fit quelques mois de prison, mais la santé mentale de Ruby se détériorant de plus en plus, il fallut se résoudre à l’enfermer dans un asile. Un endroit où tout le personnel avait peur d’elle, ce qui ne contribua pas à la rendre plus « normale », bien au contraire. Son état empira au lieu de s’améliorer, ses crises de sadisme prenaient de plus en plus d’ampleur à mesure qu’elle gagnait également en maturité. Elle se laissa entièrement débordé et envahir par ses émotions, ses crises violentes et ses jeux souvent mauvais pour la santé des autres. Un soir, juste avant de s’endormir dans sa cellule psychatrique, elle souhaita ardemment que ce monde dans lequel personne ne la reconnaissait change et que tout le monde sache qu’elle existe sans la prendre pour une cinglé…

C’était sa dernière nuit dans le monde réel avant d’affronter l’apocalypse… pour son plus grand plaisir.