Si on devait décrire Ophélie en un mot, ce serait ‘adorable’. Vous me direz, tous les enfants de cet âge sont adorables. Mais lorsque votre regard croise les beaux yeux verts bleutés éveillés de cette petite fille et que vous observez sa petite frimousse, vous avez tout simplement envie de lui tirer les joues et la serrer contre vous. Voilà, c’est ça, être adorable.

Ophélie possède de beaux cheveux blonds coupés court, auxquels sont souvent accrochés quelques rubans de soie colorés. A 7 ans, elle en parait 9. Son visage est souvent illuminé par un sourire radieux, sauf si elle est en face d’un inconnu. Alors, elle prendra une mine timide irrésistible, et n’osera plus émettre un son.

Bien qu’elle adore rester à l’intérieur de la maison à lire un livre ou à faire de l’ordinateur, elle ne déteste pas non plus sortir se dégourdir les jambes, jouer et salir son jolie minois. C’est un être sans défense, qui n’a pour seul arme son intelligence. Elle court assez vite, également, mais n’a jamais battu son père à la course. Il est bien trop fort !

Un détail étonnant sur son physique ? Elle adore les robes d’époque. D’ailleurs, depuis que sa grand-mère lui a offert une des robes qu’elle portait quand elle était petite, Ophélie la porte à la moindre occasion. C’est une robe oscillant entre le marron et le rouge, à rayures plus foncées, et qui renforce cette image de petite fille modèle qu’on a déjà lorsqu’on l’aperçoit. Lors de l’accident de voiture, Ophélie portait cette robe, et arrivera donc sur le plateau habillée comme une enfant venant du XXeme siècle. Elle se promène souvent avec une petite besace contenant un carnet de feuilles et un bic tricolore pour pouvoir prendre des notes lorsqu’elle voit quelque chose d’intéressant. Et depuis que ces parents lui ont offert un paquet de belles enveloppes, elle les garde dans son sac. Elles sont bien trop précieuses pour rester à la maison !

Une chose à savoir : Ophélie est surdouée, dotée d’une intelligence formidable et d’une maturité étonnante. Voilà, vous le savez, c’est dit, mais cela mis à part, qu’est-elle également ?

Timide. Ophélie est timide. Une timidité maladive qui fait qu’elle rougit à la moindre parole que lui adresse un inconnu. Elle se tord les mains, regarde par terre, bafouille. Non, vraiment, les personnes qu’elle ne connait pas lui font peur.

Altruiste. Point important. Un altruisme tellement poussé qu’il se transforme en pulsions incontrôlables. Un exemple : si elle voit un chien agonisant de l’autre côté de la route, elle se jettera à sa rescousse sans réfléchir et c’est seulement agenouillé près de l’animal qu’elle se dira qu’elle aurait sans doute dû regarder des deux côtés avant de traverser. Lorsque ce genre de pulsion la prennent, elle ne réfléchit plus, tout se fait de façon mécanique.

Bien élevée. Ophélie possède de très bonnes manières. Elle dit bonjour, pardon, merci, au revoir, et sait qu’il faut respecter les adultes et les vouvoyer pour leur montrer. A table, elle se tient bien, demande la permission pour aller chercher son dessert et met son assiette dans le lave-vaisselle. Quand elle est invitée chez quelqu’un, elle propose toujours son aide aux hôtes, qui jugent ses manières délicieuses et en font la remarque à ses parents.

Peureuse. Facilement impressionnable, Ophélie est également un peu naïve de nature. Les menaces qu’on lui fait, elle y croit, et si ces menaces vont trop loin, elle pleure. Ce n’est qu’une enfant après tout. Elevée dans un cocon, elle ne connait encore rien à la vie (sauf scientifiquement), et croit encore que le monde est rempli de gens gentils, et que personne ne peux connaître le malheur.

Enfin, Ophélie est gentille. Elle est heureuse, sa vie, elle l'adore. Elle ne porte aucune haine en elle, c’est l’innocence même. Autant dire que son arrivée sur le Plateau risque de lui procurer un sacré choc.

-Tu as eu qui en prof de maths et de physique toi ?

- Mr Green et Mr Stan. ‘Suis deg… Et toi ?

- Mr et Mrs Tempel !

- Les deux !? Salaud, t’as eu le jackpot !

Messieur et Madame Tempel étaient les mascottes de l’Université Scientifique de Cambridge. Jeunes, beaux, intelligents, cools, ils formaient le couple parfait. Tous deux avaient 28 ans, elle enseignait les Sciences Physiques, et lui les Mathématiques. Sophie Gautier était la cadette d’une famille de 4 enfants. Française d’origine, elle avait cependant passé une enfance heureuse à Londres. A l’âge de 21 ans, elle avait rencontré William Tempel, jeune surdoué à la rue, à la recherche d’une bourse pour continuer ses études scientifiques. Un coup de foudre inattendu qui n’empêcha pas les deux amoureux de se marier après 6 ans de vie commune. Pourtant, ce joli couple n’était pas aussi parfait qu’on aurait pu le croire. Tous deux étaient passionnés par l’informatique, et passaient beaucoup de leurs soirées devant l’écran, programmant, téléchargeant, hackant même, parfois. Et si, pour une soirée, leurs ordinateurs n’étaient pas utilisés, ils se tournaient soit vers la console de jeux soit vers les livres scientifiques.

Un jour, l’envie d’accueillir une troisième tête au sein de leur foyer se fit ressentir par les deux professeurs. Et ce fut après une grossesse de 9 mois qu’Ophélie apparu. L’ ‘affaire’ avait été très médiatisée par les élèves. Ils adoraient tellement leurs professeurs, qui leurs rendaient bien, qu’ils avaient obtenu de la jeune femme qu’elle emmène le nourrisson à l’université, pour qu’ils puissent le voir. Un accueil chaleureux fut donc réservé à la petite fille, qui se retrouva rapidement entourée par des têtes curieuses et souriantes.

En grandissant, il devint peu à peu évident que la fillette était plus intelligente que la plupart des enfants, ce qui remplissait ses parents de fierté. Ils l’emmenaient de plus en plus souvent à l’université et, à 5 ans, elle s’asseyait au bureau et écoutait sans un bruit les paroles de sa mère ou son père avec un grand sourire. Evidemment, elle ne comprenait pas grand-chose, mais elle savait se faire silencieuse. Si elle voulait sortir se dégourdir les jambes et aller jouer dans les couloirs, elle le faisait discrètement, elle n’était pas spécialement bruyante de toute manière. A la fin du cours elle posait à ses parents toute les questions qui lui passaient par la tête, et ils lui répondaient volontiers.  Avant et après les cours, les étudiants venaient jouer avec elle, conquit par cet enfant qui ensoleillait leurs journées par un éclat de rire.

A la maison, l’enfant conservait cet appétit de connaissance dont elle faisait preuve à l’université. A 4 ans, elle savait à peu près lire, ou plutôt déchiffrer. A 5, elle dévorait les livres scientifiques pour enfants fournis par ses parents. Mais la science n’était pas ce qui l’intéressait le plus. Sa vraie passion restait l’informatique. Elle vivait avec les ordinateurs, observait discrètement ses parents s’adonnant à leurs activités informatiques nocturnes. Et, tous les vendredis et samedis soir, elle participait à la soirée jeux vidéo où elle tentait de battre son père à super Mario Kart sur la vieille Nintendo 64, ou faisait équipe avec sa mère en jouant à Just Dance sur la Wii. Ses parents possédaient également des jeux plus violents sur ‘la console des grands’, à savoir la PlayStation 3, auquel elle n’eut le droit de jouer que quelques fois. Bientôt, elle apprit les bases du codage et de la programmation, et peu à peu, cela n’eut plus de secret pour elle. Ophélie pouvait maintenant comprendre les phrases compliquées que ses parents utilisaient lorsqu’ils parlaient informatique. Et elle avait même, en cachette, appris les bases du hackage. Tout ce qui touchait à l’électronique, elle le comprenait, le maitrisait. Cette aisance était intuitive, c’était dans son sang.

Hélas, le bonheur n’est pas fait pour durer. Un rien peut tout faire basculer. Et ce rien fut sans doute ces vacances chez ses grands-parents maternels. C’est fou comme les autoroutes peuvent être dangereuses. Un conducteur ivre qui prend la route dans le mauvais sens, et c’est l’accident. Aux infos, on en parle à peine. Peut-être un petit mot dans le journal, écrit en minuscules caractères : ‘ACCIDENT DE VOITURE SUR L’AUTOROUTE FAIT TROIS MORTS, DONT UNE PETITE FILLE’. Voilà, une phrase pour résumer un fait horrible. Car la petite fille qu’ils mentionnent, Ophélie, cette petite fille n’est pas morte sur le coup, contrairement à ses grands-parents. Cette petite fille, elle a vu les deux corps inanimés et ensanglantés sur les sièges  avant. Cette petite fille, elle ne pouvait plus bouger, elle aussi elle saignait, piégée dans la voiture immobile, sans pouvoir en sortir. Cette petite fille elle a hurlé, pleuré à la mort, avant qu’une hémorragie, doucement, la fasse plonger dans le sommeil éternel, coupant net ses cris d’enfant affolée. D’ailleurs, elle-même n’existe plus. Il ne restera plus comme trace de son passage dans ce monde qu’une phrase écrite dans un journal local.