Journal de Leet Saddler, 1988 (Leet a quatre ans)Mama,
Je té pa oublié. Je sé que tu é en prison, je sé que je sui né la bas et que je pouvè pa resté. Mè je t ème Mama, et je vé te retrouvé. Je sé que tu va pa m oublié non plu.
Journal de Leet Saddler, 1992 (Leet a huit ans)Maman,
Mes nouveaux parents ne veulent pas que je t’envoie de lettres. Ils s’obstinent à dire qu’ils sont mes vrais parents, mais je sais que ce n’est pas vrai. Je me souviens de toi, je me souviens de la prison même si j’étais très jeune quand ils nous ont séparé. Je me souviens de tout. Tu serais fière de moi, j’ai toujours toutes les bonnes réponses à l’école, les professeurs me trouvent vraiment intelligent. Mes nouveaux parents m’ont offert un ordinateur pour mon anniversaire, c’est vraiment cool.
Mais c’est pas pareil sans toi. Tu devrais être là. Je sais que tu es en prison parce que tu as fait quelque chose de mal, mais je m’en fiche. Tu es ma maman, je me souviens de toi, je ne t’oublierai jamais… je me rappelle de la cellule… le numéro 1337… c’était ton numéro de prison, maman? Je sais que c’est important, mais tu n’as jamais dit pourquoi. Je suis sûr que c’est ça. Mais pourquoi tu m’as appelé Leet? C’est un drôle de nom. J’espère que tu pourras me le dire un jour.
Je t’aime,
Leet.
Journal de Leet Saddler, 2002 (Leet a dix-huit ans)Maman,
Je vais bientôt pouvoir commencer mes études en informatiques. C’est tellement facile, je pourrais me trouver un emploi maintenant. Je suis membre d’un petit blog de hacker et les membres m’ont montré des petits trucs de base que j’ai vite pu élaborer. Les profs m’ont conseillé l’ingénierie mécanique, alors je me suis construit un petit robot, mais il m’aide dans mes projets informatiques. Il a des petites lames de rien, comme ça il peut couper des fils et en connecter d’autre, et en plus il peut parler! Il s’appelle Mantis, et il est vraiment cool. Grâce à lui, même si hors des classes j’ai l’air d’un perdant, dès que je suis devant un ordinateur, je suis un vrai génie. Il n’y a plus de limite, grâce à Mantis, je peux les contourner.
Tu serais vraiment fière. Mon professeur croit que j’ai une mémoire photographique, donc je me souviens d’absolument tout. Ça fait du sens, car ça va quinze ans que je ne t’ai pas vu et pourtant, je me rappelle de toi. Je me souviens de ton nom, de ton apparence, j’ai même réalisé que mon nom, Leet, ça s’écrit 1337 dans le langage numérisé des hackers… le leet. C’est une belle coïncidence, tu l’as bien trouvé.
Je t’aime,
Leet.
Journal de Leet Saddler, 2008 (Leet a 24 ans)Maman,
L’armée britannique vient de m’embaucher pour une drôle de mission. Ils payent bien, en plus c’est facile, tant que je ne leur révèle pas mon identité. J’ai plein de pseudonymes sur Internet et ils ne savent même pas qui je suis vraiment. En même temps, aucun gouvernement ne veut avouer qu’ils utilisent les services d’un pirate. Le gouvernement français m’a déjà contacté, alors je me fais plein d’argent dans leur dos en jouant les agents doubles.
J’ai bien réfléchi. Personne ne me laisse venir te voir, je n’ai jamais pu envoyer toutes ces lettres que j’ai écrites. Mais je veux te revoir, tu me manques tellement… la seule façon de venir te voir en prison, c’est d’y être admis.
J’arrive,
Leet.
Journal de Leet Saddler, 2011 (Leet vient d’avoir 27 ans)Je ne sais plus quoi faire, maman.
J’ai tué un homme. C’était un policier, il est entré chez moi autour de dix-huit heures pour me questionner au sujet d’une fille qui avait disparu… mais je n’avais rien à voir là-dedans, je le jure! Je l’ai laissé entrer et j’ai répondu à ses questions, tout allait bien mais j’étais curieux, c’est tout, jusqu’à ce qu’il demande à inspecter mon ordinateur. Même s’il ne trouverait rien au sujet de la fille, il aurait pu trouver toutes mes autres activités illégales et mon double jeu concernant plusieurs pays de l’Europe! Ça aurait été la peine de mort assurée. Je ne voulais pas ça… je ne voulais pas mourir loin de toi, sachant que je n’allais jamais te revoir. Je ne veux pas aller en prison pour quelque chose de trop grave, je sais que c’est un peu trop demander mais je ne suis pas méchant, au fond. Pourquoi faire souffrir les autres, juste à cause de moi?
Mais je m’éloigne du sujet… je travaillais quand le policier est arrivé et je n’ai pas eu le temps de fermer ma session. Il s’est mis à fouiller dans les dossiers et après peu de temps il a reconnu les codes sur lesquelles je travaillais… les codes de sécurité du gouvernement belge. S’il y avait bien une chose qu’il ne devait pas trouver, c’était ça! Qu’il trouve ceux de l’Angleterre ou des autres pays, ok, mais pas ça! Il m’a regardé avec stupeur et j’ai simplement réussi à crier :
-Mantis, efface toutes les preuves du dossier Belgique!Mon robot a surgi de derrière mon ordinateur et s’est mis à pianoter à la vitesse de l’éclair. Je voyais les dossiers compromettants disparaître et le tout me soulageait. Mais le policier a réagi tout de suite après et a saisi une chaise pour frapper Mantis. Là, j’ai paniqué. Mantis, c’est mon seul vrai ami, je ne peux pas me passer de lui. J’ai pris la première chose qui m’est tombé sous la main –l’extincteur près de la sortie de secours, et je lui ai frappé la tête de toutes mes forces avec. C’est fragile, la tête, tout le monde sait ça, et j’espérais le mettre KO ou même le frapper à la bonne place pour le rendre amnésique. Il s’est écroulé et Mantis a fini de tout effacer. J’ai voulu prendre le pouls du gars et le traîner dehors ensuite, mais j’ai tout de suite vu que ça ne valait pas la peine. L’extincteur avait creusé un vrai cratère au fond de son crâne et le sang coulait à flot. Pas de pouls. Il était mort.
J’ai eu très peur. J’ai toujours su quoi faire peu importe la situation, tu vois, et là je ne savais pas du tout. Je me sentais sale, souillé, j’avais l’impression de faire un cauchemar. Mantis a fini de tout effacé et m’a demandé quels étaient mes ordres. Je n’ai pas répondu tout de suite. Mon cerveau semblait se remettre progressivement en marche et je réfléchissais. C’était ma meilleure chance de mettre mon plan à exécution, même si je me sentais vraiment coupable. Au moins, je vais te rejoindre pour une bonne raison.
J’ai ordonné à Mantis de tout effacer ce qui se trouvait sur l’ordinateur. Je n’ai pas besoin des codes, je peux m’en souvenir. Ensuite, il a appelé la police. Ils arrivent. Mon robot s’est caché quelque part dans l’entrée, tout ira bien.
J’arrive,
Leet
Extrait du rapport de procès contre Leet Saddler, 2011Nom de la victime : Dennis Young, 43 ans, origine belge
Nom du suspect : Leet Saddler, 27 ans, origine inconnue
Saddler plaide coupable du meurtre de Dennis Young, mais continue de dire qu’il s’agissait d’un accident et refuse d’en avouer les circonstances.
Le jury le déclare coupable d’homicide involontaire et le condamne à la prison à vie. Il sera déplacé à la prison de Tourlaine, Belgique.
Lettre de Leet Saddler trouvée dans la prison de Tourlaine, 2011J’ai placé cette lettre dans la cellule #1337, adressée à Johanna Saddler, de la part de son fils.
Maman,
Je sais que c’est dur à croire, mais c’est bien moi. Ton fils, Leet. Je suis venu te revoir, mais pour ça tu dois venir me trouver. Je suis dans la cellule 1024, viens me voir juste avant le couvre-feu. Ensuite, nous pourrons partir.
Si vous n’êtes pas Johanna Saddler, ne venez pas. Vous le regretteriez. Mais donnez-lui la lettre.
Cordialement,
Leet
…
Tourlaine, 24 Septembre 2011, 20h45Une femme âgée entra rapidement dans la cellule #1024. Ses mains tremblaient, mais son pas était ferme et rapide. Quelqu’un lui saisit le bras et la plaqua contre le mur, près de la porte, là où les gardes ne pouvaient pas la voir. Son regard croisa celui d’un homme.-C’est toi…-Oui, Mère. C’est moi.-Leet… pourquoi es-tu ici?-Je suis venu te chercher. Je t’ai perdu il y a vingt-cinq ans déjà, ça m’a pris des années pour te retrouver, mais maintenant tu es là, devant moi… tu as changé un peu, mais je te reconnais, c’est bien toi.-Écoute, Leet…-Chut!Les gardes arrivaient. Leet poussa sa mère sous sa banquette et se coucha sur le lit pour faire semblant de dormir. Les surveillants passèrent, examinèrent brièvement la cellule et repartirent. Leet permit à sa mère de sortir de sa cachette, puis retira le poster d’illusion d’optique qui ornait le mur. Il y avait un trou dans le mur.La mère s’approcha.-C’est toi qui l’a creusé?-En partie. J’ai reçu de l’aide.-De… qui?-Tu verras. Il va nous aider à sortir aussi. Mais tu dois me suivre à la trace....
Extrait du Journal de Tourlaine, 2011Deux prisonniers s’échappent de prison
La nuit dernière, le prisonnier récemment condamné pour meurtre Leet Saddler e réussi à s’échapper de la prison où il était incarcéré. Il semble être accompagné de Johanna Saddler, emprisonnée pour revente de drogue et vol à main armée, mais leur trace n’a pas encore été retrouvée. Nous demandons aux citoyens d’être prudents, ces deux criminels sont potentiellement dangereux.
Lettre de Johanna Saddler adressée à Leet Saddler, 2011Leet,
Tu n’aurais pas dû revenir. Après que ton robot nous aie fait sortir de prison et que tu m’aies laissé derrière, sous prétexte que c’est toi qu’ils cherchent et pas moi, je n’ai pas eu à réfléchir beaucoup.
J’ai été séparé de toi quand tu avais trois ans, je ne t’ai pas vu depuis vingt-cinq ans. Pour être honnête, c’est ton père qui a demandé à te garder. Mais il est mort avant ta naissance et j’ai réussis à te garder pendant quelques années jusqu’à ce que les gardes te trouvent.
Mais comment puis-je ressentir quelque chose pour un homme que je n’ai pas vu depuis vingt-cinq ans?
Je ne voulais même pas d’enfants, Leet. Si ça n’avait pas été de ton père, je t’aurais abandonné bien avant. Et maintenant tu es revenu. Mais je t’avais oublié depuis longtemps déjà, car je ne voulais pas de toi. Et je ne veux toujours pas de toi. Tu n’es pas mon fils.
Va refaire ta vie, et cette fois garde m’en le plus loin possible.
Johanna
…
Johanna Saddler décéda d’une crise cardiaque le 2 Janvier 2012 dans un petit village de la Belgique. Aucune nécrologie ne fut écrite, son fils n’apprit jamais sa mort.La lettre ne lui parvint jamais non plus....
Journal de Leet Saddler, 2012 (Leet a vingt-neuf ans)Je n’ai jamais eu la vie aussi dure.
La police a réussi à faire le lien entre moi, Leet le meurtrier, et le pirate informatique qui jouait les agents doubles dans le dos de toute l’Europe. Avant, je pouvais me cacher facilement, puisque je n’étais recherché qu’en Belgique, mais maintenant rares sont les gouvernements qui ne veulent pas me voir fusillé. Je ne peux plus aller nulle part, ou presque…
C’est une idée stupide, je le sais. Mais quel autre choix j’ai?
Je me suis réfugié à Tchernobyl. Oui, je suis sérieux. La récompense promise pour quelconque information à mon sujet m’a convaincu de me cacher là où personne ne pensera jamais à venir me chercher.
Pour marcher, ça marche. Mais à quel prix…?
J’ai trouvé un masque à gaz et quelques cartouches d’air, pour ralentir l’effet des radiations, mais ce n’est pas très efficace. Mes cheveux tombent par poignées. J’ai beaucoup trop maigri, je suis plus faible physiquement… mais je suis en vie. J’ai trouvé de nouvelles lames pour Mantis et j’ai pu intégrer à ses donnés des connaissances du combat et des points vitaux des humains. Maintenant, il est vraiment menaçant.
Je pense beaucoup à ma mère. J’espère qu’elle va bien. En nous séparant, je pense bien avoir détourné l’attention des policiers, car on parle beaucoup de moi dans les journaux, mais pas d’elle. Je pense qu’elle est en sécurité. J’aurai au moins réussi ça.
Je regrette vraiment tout ce que j’ai fait. Je n’ai jamais voulu me rebeller, je suis devenu hacker parce que j’étais doué, pirate parce que j’étais bon là-dedans. J’ai tué un homme pour protéger mon seul ami et je le regrette encore. Mais je ne peux rien changer, maintenant. Le passé est passé. Et maintenant, je dois survivre.
Leet
Journal de Leet Saddler, 2013 (Leet a 30 ans)J’ai vraiment peur.
Il y a eu une immense explosion dans l’immeuble où je me trouvais. J’ai été blessé gravement, ma tête saignait beaucoup. Et j’ai dû sortir de la ville pour aller chercher de quoi me soigner.
J’ai dû voler. Je n’ai pas enlevé mon masque pour ne pas être reconnu mais je crois que ça n’a pas fonctionné. Ça m’a pris une éternité avant de semer la police, puis j’ai pu nettoyer mes blessures et recoudre ma tête comme je le pouvais.
Mais j’entends la police qui s’approche. Ils se doutent de quelque chose, ils vont me retrouver. Et là, je n’aurais pas droit à la prison. Je vais être exécuté. Je vais mourir. J’ai peur.
Maman, je veux te dire que je suis désolé. Désolé de t’avoir abandonnée, de ne pas avoir été là pour toi, de ne pas avoir pu te retrouver plus tôt… j’espère que…
…
Les soldats tournèrent le coin de la ruelle où ils croyaient avoir vu passer le supposé Leet Saddler. La ruelle était vide. En fouillant brièvement, ils trouvèrent des traces de pas récentes et une lettre inachevée. Mais pas de Saddler. Il semblait avoir complètement disparu… Fiche codée par Aetyhs, aussi appelé Lumière du jugement. Reproduction interdite en dehors de Né-Andarta