- Bonjour. Je suis le commissaire Lenson. Nous tenons votre fils depuis le début de la semaine et nous commençons à croire qu'il a de sérieux problèmes psychologiques. De ce fait, nous aimerions vous interroger et c'est pour cette raison que vous vous trouvez ici.
- Qu'a fait Drake cette fois-ci ? Si cela concerne ses trafics habituels, vous savez qu'il finira par s'enfuir. Il joue avec vous.
- C'est bien plus grave que ça, monsieur Jones. Nous parlons de meurtre.
- Mon fils est incapable de ça. Il a beau jouer avec les lois, il ne pourrait pas aller jusque là.
- En êtes-vous sûre, madame ? Nous voulons en savoir plus sur lui. Je vous prie de me suivre.
- Où est Drake ?
- Il est censé nous attendre.
***
- Lâchez-moi !
Les flics, quelle sale vermine. Je pouvais jamais être en paix avec eux. D'autant plus que cette fois, je ne savais pas ce que j'avais fait.
- Vous me voulez quoi encore ?! Vous voulez vous battre, c'est ça ?!
- Pas du tout. Calmez-vous maintenant.
- Tiens, Lenson. Vous voulez quoi ?
- Vous interroger. Mais ce n'est pas moi qui m'occuperais de ça. Ce sera mon collègue psychologue Neil Lens.
- Un psy. Vous pensez que je suis dingue ?
- Non. Mais nous vous connaissons assez pour savoir que tout ne va pas avec vous.
- Pfff.
- Vos parents seront là aussi.
Ils entrèrent dans la pièce.
Bon sang ! Il ne manquait plus que ces deux abrutis.
- Bien je vous laisse avec mon collègue.
Lenson sortit et un autre homme entra. Il déposa ses affaires sur la table et nous pria de nous asseoir. Je restai appuyé contre un mur à regarder par la fenêtre tandis que mes deux vieux s'essayaient.
- Je suis nouveau dans le service, alors je vais procéder comme il le faut. Je demanderai au prétendu coupable de se présenter puis suivra un dialogue entièrement confidentiel. Tout ce qui sera dit dans l'enceinte de ce bâtiment y restera, la seule personne qui pour être au courant à part moi sera Monsieur Lenson. A présent, commençons.
Lens se tourna vers moi. Mes parents aussi.
- Présente-toi, jeune homme. Ou les choses iront mal pour toi.
- Tu crois peut-être que tu peux me faire quoi que ce soit ? Ta voix tremble, tu as peur de moi. Ne te donne pas cet air assuré.
- Calmez-vous, Monsieur Jones. Je vous écoute.
Visiblement, je devais parler pour qu'on me laisse tranquille.
- Pfff... Drake, vingt-et-un ans.
- Parfait. Je vais à présent vous poser des questions. Je pourrais ainsi avoir deux visions de vous Drake, ce qui pourrait être utile pour l'enquête.
Je n'étais pas très enclin à collaborer. Mais je voulais avoir la paix.
- Bien. Drake. Avez-vous déjà eu des problèmes mentaux ou psychologiques ?
- J'sais pas.
- Oui, intervint ma mère. Il était beaucoup trop violent.
- Avez-vous essayer de régler ce problème ?
- Oui. Mais aucune méthode n'a fonctionné.
- Méthode ? Vous m'avez fait interner ! Les seuls à avoir un grain, c'était vous, pas moi ! Vous aviez peur de ce que je pouvais faire !
- Pourriez-vous me parler de vous Drake ?
- Avec ces deux abrutis ici, sûrement pas.
- Je vous ai dit que...
- J'en ai rien à faire.
J'étais en position de force. Il avait besoin que je vide mon sac pour l'enquête. Or moi, je ne voulais pas que mes parents soient là et ils allaient partir, parce que j'avais toujours ce que je voulais.
- Bon. Je vais vous demander de sortir afin de m'entretenir avec votre fils.
Je regardai mes parents sortir avec un sourire narquois.
- Vous aimez avoir ce que vous voulez n'est-ce pas ? me dit Lens. Allez, venez vous asseoir.
- C'est ça ouais.
Je n'allais sûrement pas bouger, sauf si l'envie de le frapper me prenait.
- Vos parents ont parlé de violence tout à l'heure ? De quoi s'agissait-il ?
- J'aime me battre, c'est tout. Et plus j'me bat, plus je suis violent.
- Pourquoi dites-vous que vous avez été interné ?
- Vous pensez que j'avais ma place dans un asile ou dans une école de religieux ?
- Et vous êtes senti mal donc.
- Bah ouais, ça parait évident. Surtout que je me suis enfui à chaque fois. J'étais pas comme tout ces gens. Est-ce que j'ai l'air d'un malade mental croyant ?
- Bien sûr que non. Cependant, vous avez l'air assez... Comment dire... Nerveux.
- Nerveux ? Je m'énerve facilement oui...
- Ressentez-vous de la colère ?
- Bah ouais. Ça me parait normal. Quand on m'énerve, je me mets en colère.
- Mmh... Est-ce que vous pouvez me parler de votre caractère ? Je me doute qui ne puisse pas être forcément excellent mais...
- J'ai pas honte de ce que je suis. Je suis pas quelqu'un de bien, je le sais et ça me plait. Je mens, je vole. Je ne trouve aucune limite à ce que je fais. Je suis un véritable playboy. Vu mon physique, c'est tout à fait normal, il faut qu'il me serve.
- Continuez.
- Vous voyez, je trouve les gens stupides. Vous faites partie du lot vous aussi. Les gens qui m'entourent me dégoûtent. Je les déteste encore plus que ceux qui pensent que je suis dingue. Ce que j'apprécie en revanche, c'est les manipuler. Ils sont si stupides qu'ils ne s'en rendent pas compte. Ils se plient à moi, et c'est pour ça que j'en suis arrivé là. Le contraire ne marchera jamais.
- Comment ça ?
- Je suis un éternel insoumis. Je ne peux me plier à aucune règle ni à aucune loi. Les remontrances des flics et compagnie quant à mes affaires ne me font pas plus d'effets qu'une piqûre d'insecte.
- Dites-moi. Vous est-il arrivé d'avoir des écarts de comportements ?
- Comme ?
- Des comportements violents.
- Vous êtes vraiment stupide, mais genre énormément. J'en avais forcément avec mes accès de violence. Et puis, comme je prends de la drogue, j'ai pas toujours les idées claires. Et je ne ressentirais absolument rien si je devais tuer quelqu'un.
- Vous vous droguez ?
- Au même titre que j'ai besoin de me battre ou de fumer.
- Vous vous rendez compte que...
- Ouais, ouais, la drogue c'est mal, c'est mauvais. Je sais tout ça. Mais ça me permet d'oublier parfois.
- D'oublier quoi ?
- Rien qui puisse vous intéresser. Je suis pas un mec faible, loin de là. Je porte le poids de ce que j'ai vécu comme tout le monde. A chacun son moyen d'extérioriser et moi j'en ai choisi un dangereux. J'aime le danger, sinon, je ne serais jamais devenu dealer. C'est pas un secret, Lenson le sait parfaitement. Pas la peine de prendre ce stupide air étonné.
- Je suis confus. Je ne m'attendais pas à une telle franchise.
- Vous êtes psy nan ? J'ai rien à perdre en parlant avec vous même si c'est contre mes habitudes.
- Eh bien disons que je n'avais jamais rencontré de personnes comme vous. Aimez-vous être la personne que vous êtes ? Ou avez-vous été contraint de le devenir ?
- J'm'assume parfaitement. Je vois pas pourquoi je n'aimerais pas être celui que je suis. Et je remercie ma famille de m'avoir rendu comme ça. J'aime être un petit rebelle.
- Je vois.
- Bon, maintenant, j'peux savoir de quoi on m'accuse cette fois ?
- De meurtre.
- Ah ouais, et qui est-ce que j'ai tué ?
J'étais assez sceptique. Je ne me souvenais pas avoir tué qui que ce soit. Ma réaction pouvait me porter préjudice. Je devais jouer le jeu.
- Johanna et Mickaek Purs.
Impossible. Je me sentis blêmir. Je pensais contrôler la situation mais j'entendis des mots que je ne voulais pas dire sortir de ma bouche.
- Je ne les ai pas tué. J'aurais pu tuer n'importe qui sauf eux. Enfin... J'aurais pu en fait, sans le moindre remord. Mais pas maintenant.
- Une arme a été trouvée chez eux. Il s'agissait d'un sabre. Des empreintes ont été trouvées et il semblerait que ce soit les vôtres.
- Je les ai haï, détesté, j'ai longtemps imaginé une vengeance, mais j'aurais jamais pu les tuer ! Pas maintenant ! Parce que...
- Parce que ?
- Je les aimais. Ils étaient une autre forme de drogue. Alors que je vous ai dit que je n'aimais pas les gens, ceux-là, j'en suis tombé amoureux.
- Vous êtes...
- Bisexuel oui. Je suis sorti avec plusieurs filles et plusieurs mecs, mais eux... J'aurais décidé de les tuer mais pas maintenant. C'était trop tôt.
- Je vois... Drake, vous ne considérez pas vraiment vos sentiments d'après ce que je vois. Vous étiez prêt à tuer des gens dont vous êtes tomber amoureux. Pourquoi ?
- Par pure vengeance. C'est si évident. Je nourrissais une haine si profonde envers eux, et fallait que je m'en débarasse. Alors ils devaient mourir. Mais pas maintenant et pas dans ces conditions.
- Par vengeance ?
- Qu'est-ce que vous vouler savoir ? Ce qu'il se passe dans ma tête ou ce qui m'est arrivé ? - Hum... Passons. Avez-vous déjà mené quelqu'un à la mort ou tenté de tuer quelqu'un ?
- ...
- Dans ce cas, vous avez un réel problème, Drake.
- Même vous, vous ne comprenez pas... Vous êtes stupide. Non, ça dépasse même ce stade. Vous êtes aussi inutile que ceux qui m'entourent.
- Je vais à présent parler avec vos parents.
J'avais une envie horrible de le saisir par sa cravate et de le frapper. Mais je n'en fis rien et retournai m'appuyer contre un mur, les bras croisés et la tête tournée vers la fenêtre.
- Il ne vous a rien fait ? demanda mon père.
- Non, Monsieur Jones, ne vous en faites pas.
- Alors ? Vous pensez qu'il est fou vous aussi ?
- Tss...
- Pas le moins du monde. Vous vous faites de fausses idées sur votre fils parce que vous le craignez. Il n'a pas froid aux yeux, je le reconnais. Et il a été franc, il serait capable de tuer. Mais il n'a aucun problème, si ce n'est cette violence que je ne m'explique pas. Votre fils prend-il du plaisir à ce battre ?
- Oui, énormément. Nous n'avons jamais compris d'où venait cette passion maladive.
- Ça doit bien lui servir, à un drogué pareil.
Une chaise tomba au sol et je tenais mon père par le col. Il me connaissait, il savait que je n'hésiterais pas à le frapper. Il savait que je n'aurais aucune pitié pour lui, parce que je ne savais pas ce que c'était. J'avais rarement à montrer mon réel visage, ce côté de moi qu'on trouvait terrifiant. Mais à ce moment-là, je voyais rouge, surtout que je pensais encore à ce dont on m'accusait. Si des flics ne m'avaient pas maîtrisé et calmé, mon père serait sûrement mort, et je n'aurais eu aucun regret. Je n'étais pas du genre à m'appitoyer sur le sort des autres et je savourais tous mes actes, même les plus sales. En somme, j'étais une véritable enflure, et ça ne me gênait pas.
- Je pense que nous allons nous arrêter ici. Je n'aimerais pas que la charge de votre fils soit augmentée. Surtout que nous n'avons encore aucune preuve en ce qui concerne son innocence.
Je passais devant mes parents accompagné des flics qui m'avaient à nouveau menotté.
- Quelqu'un m'a dit un jour que le linge sale se lavait en famille,
papa...
- Lâche-moi ! Tu veux crever, c'est ça ?
- Comme si tu pouvais faire quoi que ce soit.
Stoop ! Si on avait été dans un film, j'aurais fait un retour en arrière. Le gars qui parlait posément, c'était moi, Drake Maron Jones. Je traîne actuellement en prison, accusé pour meurtre. Le gars avec qui je parlais voulait m'empêcher de fuir. Alors je vais le réduire à un silence définitif par mes propres moyens. C'est courant en prison de toute façon.
- Tu as bien repris ton souffle ? Parce que c'est fini maintenant...
Je me debrouillais pour toujours avoir quelque chose de coupant sur moi, coffré ou pas...
Me voilà dehors, enfin l'air libre. Je sors une cigarette que je commence à fumer après avoir essuyé le sang sur la lame de mon couteau. Il en a fallu beaucoup pour que j'en arrive là, à devenir un vil meurtrier. Vous valez peut-être la peine que je vous explique tout. Sincèrement, ça m'ennuie. Mais bon...
***
Des cris, des pleurs. Un homme, une femme. Des parents. Un bébé. Moi.
Ça avait commencé comme ça. Juste comme ça. J'étais juste né. J'étais le fils de Maron Jones, un avocat réputé. J'étais le fils qui allait le traumatiser. J'étais le seul fils. J'aimais bien cette position et j'aurais gardé ma place du fils bien aimé si en grandissant, je n'avais pas eu ce problème de "violence". Une violence chronique qui virait à la folie, disait mon père. Quand j'étais petit, je ne comprenais pas bien le sens de ses paroles. Mais avec le temps, elles ont eu de l'impact et ont pris de l'ampleur. Ampleur que je devais réduire à tout prix parce que je me sentais étouffé et mal-aimé, et surtout parce que je me sentais détesté. Tout ce que disait mon père avait de l'impact et se répercutait sur moi, ce qui a fait que pendant longtemps, on m'a évité. Alors il fallait que je réduise l'impact. C'était ce que je pensais au début et je m'y prenais mal. Je faisais sans cesse la démonstration de cette violence maladive en me battant chaque jour depuis mon plus jeune âge. Même si je m'étais fixé un objectif, mon père, avec de simples mots, restait plus fort que moi, et c'était ce qui me poussait à me battre, depuis si longtemps. Le seul responsable de ma violonce maladive, c'était lui. Au bout d'un moment, mon père, qui prenait toute les décisions, a voulu calmer le jeu en m'internant dans un établissement psychiatrique. Je n'en savais absolument rien, et comme je m'étais fais viré de mon école à cause de mes combats incessants, dont l'un d'eux avait débouché sur l'envoi aux urgences d'un gamins de ma classe, j'avais cru que c'était une nouvelle école. Tout s'y passait bien jusqu'à ce que je décide de me battre à nouveau, et ce jour-là, j'ai compris où j'étais. Mon père ne comprenait rien. Tout recommençait. Alors après quelques semaines, je me suis enfui. J'était jeune, je n'avais même pas encore dix ans. Mais j'avais réalisé quelque chose. Si on me prenait pour un fou, j'allais montrer jusqu'où j'étais capable d'aller. Je ne devais pas mesurer l'ampleur des paroles de mon père. C'est parce que j'y faisait attention que les choses empiraient. En réalité, je devais montrer le degré réel de ma soi-disant folie. Ces gens qui ne juraient que par mon père, cet avocat réputé, je devais les détester. C'était à moi d'hair le monde, à moi de montrer ma vraie force. A moi de montrer ce qu'un gosse était devenu en dix ans de sa vie après être passé par la case psychiatrie. Et ils regretteraient tous de voir ce qu'ils avaient créé. C'est ainsi que j'ai commencé à vivre.
Après mon retour, je suis resté chez moi. Comme il fallait que je m'occupe, la seule chose que j'avais trouvé à faire, c'était m'acharner sur la gouvernante. Elle était si faible, si sensible. C'était la parfaite première cible. On m'avait pris pour un fou, alors j'allais rendre les gens fous. Les terroriser, leur montrer à quel point je les haïssais. J'ai commencé à la harceler lorsque j'ai eu dix ans et j'ai continué pendant un bon moment. Si mes parents n'avaient pas décidé de m'interner dans un établissement religieux lorsque j'ai eu treize ans, j'aurais mené la gouvernante au suicide en peu de temps. Elle pleurait chaque fois qu'elle me voyait et était devenue dépressive.
Il a donc fallu que je me rattrape et je suis rentré chez moi deux mois après que mes parents aient voulu se débarrasser de moi.
Je me souviens parfaitement de la réaction de la gouvernante lorsqu'elle m'avait ouvert la porte le jour de mon retour : elle était tombée à genoux et s'était mise à me supplier lamentablement de la laisser tranquille parce qu'elle ne voulait pas attenter à sa vie. Le tout accompagné de larmes. J'avais explosé de rire.
- Ce n'est pas pour vous que je suis revenu.
Elle s'était tuée quelques jours après.
Enfin... Après avoir parlé avec la gouvernante, j'avais enfoncé mes mains dans mes poches et m'étais dirigé d'un pied ferme vers la chambre de mes parents. A cette heure-ci, ils devaient y être. J'entendais leur voix derrière la porte alors plutôt que d'entrer, j'avais écouté leur conversation. Et je peux vous dire que ma haine n'est devenue que plus forte après ça.
- L'école m'a appelé. Linda, il est peut-être dans la maison en ce moment même.
- Je m'en fiche Maron.
- S'il te plait, ne mets pas la vie de ce bébé en danger.
- Et c'est en avortant que je le sauverais peut-être ?!
- Linda, cet enfant me fait peur, il me traumatise presque. Je ne voudrais pas que ce soit le cas pour ce futur bébé.
- Je n'ai pas peur de mon fils alors je n'avorterai pas.
J'ouvris la porte violemment, les mains dans les poches, le regard noir, un sourire mauvais sur le visage.
- Oh !
Maman ! Tu es enceinte ! Tu devrais écouter
Papa, tu sais.
Mon sourire disparut pour laisser apparaître un air plus sérieux, terrifiant presque, même pour un gosse de treize ans.
- Si ce bébé naissait, je m'occuperais moi même de le tuer.
Puis j'avais repris mon air de petit garçon souriant.
- J'en suis capable, vous le savez.
Et j'étais sorti de la chambre. Pour qui est-ce qu'ils me prenaient ? Ils pensaient réellement qu'ils serait en sécurité s'ils s'éloignaient de moi. Ils étaient stupides.
Mes parents sont les seuls responsables de la personne que je suis devenu. J'ai commencé un jeu avec eux. Plus ils auraient peur de moi, plus je salirais le nom des Jones. Il n'y devait y avoir que moi. J'avais un tas de chose à leur montrer et personne ne m'empecherait de le faire. Et je pensais vraiment ce que j'avais dit, je n'avais jamais eu l'habitude de revenir sur mes décisions. Les gens avaient une vraie raison de me détester à présent.
J'ai commencé à fumer et à boire lorsque j'ai eu quatorze ans. Par la suite, j'enchaînais les combats, les allers-retours chez les flics. Ce genre de chose m'avait rendu populaire dans les mauvais quartiers de Manhattan et je profitais de cette notoriété pour sortir avec filles et mecs comme je voulais. Ma famille, de l'arrière grand-père jusqu'au petit-fils, était homophobe. Savoir qu'un membre, et surtout le fils d'un avocat réputé mais aussi particulièrement pieux, était bisexuel était une véritable honte pour la famille. Mon père me le répétait souvent. Je me rappelle l'avoir frappé un jour pour ça, j'en avais assez de l'entendre parler.
- Alors petit gay. Tu n'es pas allé coucher avec un autre homme aujourd'hui.
Ce jour-là, j'aurais pu le tuer. Je vous explique.
Un petit sourire narquois était apparu sur mon visage. Mon père jouait souvent les assurés avec moi alors que ce n'était pas le cas.
- Non, c'est une fille que j'emmène ce soir.
J'avais seize ans et j'avais commencé à vendre de la drogue. J'étais même le meilleur dealer de mon quartier, parce qu'il y en avait d'autres bien sûr, et je faisais partie des meilleurs de Manhattan. Une nouvelle honte pour l'une des famille les plus friquées de l'Upper East Side. J'avais été arrêté plusieurs fois pour ça mais ça ne m'empêchait pas de continuer. La justice était plutôt spéciale avec moi quand à mes trafics. En fait, chaque fois que je me faisais coffré, je ne restais pas longtemps en prison. Je partais par mes propres moyens. Si bien que les flics ne faisaient même plus l'effort de venir me chercher chez moi, parce qu'ils savaient que je reviendrais et que je repartirais indéfiniment. Bref, je ne restais jamais pris au piège en quelques sorte. Mon père se servait souvent de ça et du fait que je me drogue régulièrement pour essayer de m'atteindre. Mais ce jour-là, il était mal tombé puisqu'à ce moment-là, j'avais commencé à sortir avec Johanna Purs, une fille dont j'étais réellement tombé amoureux. Oui, ça m'est arrivé, et ça a été assez dramatique, si on veut... Je vous expliquerai ça plus tard.
- Oh pardon. Après t'être drogué comme un sale type, tu vas aller violer la fille de quelqu'un.
- Ferme ta g*eule.
J'avais toujours gardé mon calme. Je provoquais souvent mon père et quand il me provoquait lui aussi, il finissait toujours perdant. La preuve, j'avais réussi à le forcer à envoyer Nate, le fils que ma mère ne voulaiy pas avorter, ailleurs, parce que j'avais juré de le tuer le jour où j'aurais jugé qu'il pourrait se défendre. Mais là, il me faisait ch*er. Et après une semaine relativement peu fructueuse, j'avais les nerfs à vif. Mon réflexe aurait été de me droguer comme d'habitude. Mais je ne ferais pas ce plaisir à mon père.
- Oh, je t'ai énervé. Tu m'en vois désolé. Mais après tout, ce n'est qu'une fille parmi tant d'autre n'est-ce pas. Une fois que tu l'auras violée comme il faut, ce sera terminé, et tu partiras jouer le gay drogué ailleurs.
- Ta g*eule, je te dis !
Je lui avais donné un violent coup de poing et j'avais attrapé le sabre que je m'étais procuré quelques jours plus tôt pour en coller la lame contre la peau tendue de la gorge de mon père. Habituellement, il en fallait beaucoup pour que j'en arrive là. Mais comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas de très bonne humeur.
- Tu ne me connais pas depuis tout ce temps. Tu sais pourtant à quel point je peux me montrer terrifiant et barbare.
Un sourire mauvais s'était plaqué sur mon visage et j'avais effectué une petite pression sur mon sabre.
- Je pense que maintenant, tu vas faire les frais de ta fausse assurance. Et je me réjouirai de voir ton sang sale couler. Parce que je peux t'assurer que toi et moi, on n'a pas le même sang.
Je vous jure qu'il aurait perdu sa tête si ma mère ne s'était pas jetée sur moi, horrifiée. J'avais donc rangé mon épée, et redevenu plus calme, je m'étais adressé à mon père avec mon habituel sourire narquois.
- Bonne journée, papa. Estime-toi heureux d'avoir encore la tête sur les épaules.
Et j'étais sorti de la maison, mon sabre dans le dos. Ce n'était pas la provocation de mon père qui m'avait énervé mais le fait que la fille en question, ce soit Johanna et pas une autre. En plus, je me trouvais face à un dilemne à ce moment là. D'un côté il y avait Jo' et de l'autre, Mickael, un mec pour qui je n'aurais jamais pensé ressentir la même chose qu'avec Johanna. Je le connaissais depuis quelques semaines maintenant mais il ne me donnait pas assez de nouvelles. Et je n'avais donc pas apprécié que mon père me parle de gay à nouveau.
- Drake ! Tu es venu !
Johanna s'approcha de moi et m'embrassa tendrement comme elle avait l'habitude de le faire. Pour voir la scène, imaginez le bad boy que je suis devenir aussi doux qu'un agneau au simple contact que sa copine. Sans compter que j'avais failli commettre un meurtre avant de venir la voir.
- Je veux te présenter quelqu'un. J'aurais dû le faire depuis longtemps mais j'oubliais à chaque et puis comme je sais que tu es aussi homosexuel, j'avais peur que...
- Tu parles trop Jo'.
- Oui, excuse-moi. Je voulais te présenter mon frère, Mickael.
- M-Mickael ?
Jo' me guida dans les couloirs pour atteindre une salle, leur ancienne salle de jeu j'imagine.
- Mick', je te présente Drake.
- Salut.
Il souriait alors que moi j'étais figé sur place. C'était lui. Mais, non, il ne pouvait pas être son frère.
- Je vous laisse entre mecs, je suis sûre que vous avez un tas de trucs à vous dire. Et puis, j'ai prévu une séance de shopping.
- Tu m'as appelé pour que je reste avec ton frère ?
- Oui. Allez, s'il te plait.
C'était Jo'. Je ne pouvais pas lui résister. Elle était donc partie et moi j'étais resté là avec un amant potentiel. Pour tout vous dire, j'ai toujours regretté ce jour, sachant que je ne regrette rien en général.
- Pourquoi tu ne lui as pas dit qu'on se connaissait, lui avais-je demandé en m'installant dans un fauteuil.
- Parce qu'elle se serait dit qu'on sortait ensemble. Elle sait que je ne suis pas du même bord qu'elle et que c'est pareil pour toi.
- Mais on ne sort pas ensemble.
- On pourrait, nan ? Je suis sûr que ça te plairait.
J'aimais bien sa façon de penser, mais je ne pouvais pas faire une chose pareille à Johanna. Même si c'était difficile à croire, je l'aimais vraiment. Je n'étais pas fidèle, c'était vrai, mais elle comptait beaucoup. Et même si j'étais infidèle, je ne pouvais pas la trahir avec son frère, même si je commençais à beaucoup l'aimer aussi.
Ça n'a rien de simple d'aimer deux personnes à la fois. Mais quand ces deux personnes sont liées, c'est juste impossible. Je n'aurais rien d'une enflure mais pire. Et pourtant, je n'avais pas réussi à résister ce jour-là. Mon père m'aurait sûrement dit que la noirceur de mon âme avait atteint son apogée. Il me prenait pour un monstre alors je m'en contrefichais royalement. J'aimais les jeux dangereux, et celui l'était autant pour moi que pour Mickael.
- Je vois que tu t'es décidé.
- Comment tu le sais ?
- Ça se voit dans ton regard.
Je repris mon air narquois.
J'attrapai une fléchette dans la panière puis je me levai pour aller me mettre en face de la cible.
- Ah ouais. Tu veux que je te dise ce que je vois moi ?
- Vas-y, dis-moi tout.
- Je vois que tu ne me connais pas. Personne ne lit en moi.
Je lançai la fléchette.
- A cet instant même, je sais que tu me trouves attirant et que tu m'aimes depuis le début. Mais pour l'instant, c'est Jo' ma priorité.
- Je t'aurais.
- Détrompe-toi, avais-je répondu, mon air narquois ayant repris sa place sur mon visage. C'est moi qui t'aurais, mais ce n'ai pas encore le moment.
Dans le mille.
Je m'étais ensuite dirigé vers la sortie.
- Tu diras à Jo' que je l'aime fort. Et si tu veux, prends ce message pour toi aussi.
Et j'étais rentré chez moi.
Les mois qui suivirent, je n'ai pas arrêté de jouer. Jusqu'à ce qu'un jour, Mickael n'en puisse plus et décide de faire les choses à sa manière. C'était très bizarre, vraiment. Je ne me savais pas irrésistible à ce point-là.
Mick' s'est même déclaré. C'était vraiment trop bizarre pour moi.
- Laisse-moi partir.
- Tu m'en veux ?
- 'Sais pas. Allez, dégage de là.
Au même moment, Johanna était entrée dans la chambre de son frère. Mickael était devant moi, je ne la voyais pas bien. Mais au bruit sourd que j'avais entendu, elle était sûrement venue apporter quelque chose à son frère.
- Jo', c'est ma faute. Drake ne...
- J'avais bien remarqué votre petit jeu. Même au moment de la séance photo, ton commentaire, ce n'était pas seulement une remarque objective. Mais je ne peux pas t'en vouloir Mickael. C'est lui.
Je savais bien que c'était foutu. J'avais plus aucune chance avec elle. Je sortais avec Johanna depuis deux ans, puisque je l'avais rencontrée quand j'avais seize ans.
J'avais récupéré mes affaires en silence pendant que Mickael essayait de calmer sa soeur puis je m'étais dirigé vers la sortie. Mais je n'avais pas pu échapper à cette violente gifle.
- Je savais que tu ne m'étais pas fidèle, mais tu aurais pu trouver quelqu'un d'autre de mon grand frère.
Elle sortit ensuite son téléphone portable.
- C'est bon, j'm'en vais.
- Tu n'iras nulle part. J'appelle la police.
Les flics, pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle savait ?
- Ils seront là d'une minute à l'autre. Ils vont t'arrêter pour trafic de drogue et tentative d'assassinat. Je suis contente que Nate soit loin d'un monstre comme toi. Ce pauvre petit ne mérite pas un frère comme toi.
Je m'étais senti parcouru d'un frisson. J'ai bien cru qu'elle allait y passer elle aussi, parce que tous les efforts que j'avais fait jusqu'ici pour éviter de lui montrer mon côté violent tombaient à l'eau.
Pour me calmer, j'avais sorti une cigarette. Sauf que les Purs n'aimaient pas les fumeurs. Johanna était donc venue frapper ma main pour m'empêcher d'allumer la cigarette. Dans un mouvement d'humeur, je l'avais brutalement repoussée. Je n'avais aucune idée de la force que j'avais mise, mais après s'être cognée, elle ne s'était pas relevée.
- Jo' ! Mais tu fais quoi espèce d'idiot !
- Elle aura une raison de plus pour me faire arrêter. Tout ça à cause de toi.
- Tu devrais partir, j'entends les sirènes, ils sont déjà là.
- C'est pas la peine. Ils viendront me chercher. J'irai en prison. Mais quand je ressortirai, je viendrai spécialement pour vous.
Je les détestais à présent. Tout comme je détestais Nate, mes parents, les flics et les gens en général. Ils étaient devenus banals à mes yeux. L'une m'avait trahie à cause de l'autre. Je n'avais plus aucune raison d'être gentil ou tendre. Plus besoin de jouer la comédie.
- Dégage.
- Qu'est-ce qu'il te prend ?
- Elle l'a dit nan ? J'suis rien d'autre qu'un monstre. Et j'te promets de revenir pour vous. Avec un peu de chance, vous finirez comme la gouvernante que j'ai poussé au suicide quand j'étais gosse. Elle s'est vraiment suicidée. La dernière fois que je l'ai vue, elle s'est jeté à mes pieds pour me supplier. Elle est plus là maintenant.
- On va pas en arriver là.
- Tu crois ? Je vais jusqu'au bout quand je décide quelque chose. Si tu t'étais tenu à carreau, vous auriez jamais risqué vos vies à tous les deux.
J'ai ensuite quitté la chambre pour sortir et les flics m'ont embarqué.
J'ai passé trois ans en prison, et je suis ressorti à vingt-et-un ans. Dès que j'ai été libre, je suis retourné dans les mauvais quartiers. J'avais des ventes à faire, et en trois ans, j'avais sûrement perdu beaucoup de clients. Après avoir réglé mes affaires, je suis rentré chez moi, pour recevoir les insultes mal assurées de mon père.
On était en été. Mon frère allait revenir bientôt pour les vacances. Il allait devoir m'aider. Je n'en avais pas encore fini avec les Purs. Comme Nate connaissait Johanna, il allait jouer le messager. Ce gosse y serait obligé.
Mais voilà. J'aurais jamais imaginé que, dans un cruel concours de circonstances - à savoir que j'avais beaucoup bu et que je m'étais drogué - je me serais rendu chez les Purs avec mon sabre. Et que je l'aurais laissé là-bas en repartant.
Ce détail m'était revenu après l'interrogatoire lorsque je m'étais fait arrêté pour le double meurtre de Mickael et Johanna. Je les avais tué et je l'avais oublié. Ce n'était pas tant le fait de les avoir tué qui me dérangeait. C'est surtout que j'avais prévu quelque chose de bien mieux pour eux. Je l'avais fait inconsciemment. J'étais pourtant bien parti. Je voulais les voir souffrir le jour de leur mort, et j'avais tout fait foiré en entrant dans un état second. Finalement, j'avais une bonne raison d'être à nouveau coffré. Je leur dirais peut-être un jour, quand ils me retrouveront.
Voilà, maintenant vous savez tout. Si vous voulez bien m'excuser, maintenant que je me suis enfui, j'ai de la drogue à aller vendre. Je vous demanderais même d'oublier la totalité de ce récit. Si ça venait à s'ébruiter, vous seriez sûrement les suivants à perdre la vie.
Fiche codée par Aetyhs, aussi appelé Lumière du jugement. Reproduction interdite en dehors de Né-Andarta