Prika une fois le pied mis en dehors de sa douche, se posta devant le grand miroir de la salle de bain. Embué par la chaleur humide qui baignait la pièce, elle distinguait tout juste la pâleur de sa peau et les contours de son corps. Des contour fins, une succession de courbes. De frêles épaules, des bras fins que l'ont ne croirait pas capable du moindre effort, qui reposent de chaque côté sur des hanches prononcées, précédées d'une taille creusée. Loin étaient les affres de l'adolescence, qui comme pour beaucoup d'autres jeunes filles, lui avaient fait détester son corps. A présent elle vivait avec, et avait appris à l'aimer, autant pour ses atouts que ses défauts. Entre autre...Elle pivota, et devina son buste de profil; Une petite poitrine. Elle soupira. On ne pouvait tout avoir.
La jeune fille entendit le petit monde de la maison s'agiter derrière la porte. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant que le peuple ne se déchaîne. Elle passa sa main sur la glace, chassant la buée d'un revers. Son visage fatigué lui apparut alors distinctement. Elle avait beau dormir, elle n'arrivait pas à récupérer tout ce sommeil qu'elle semblait avoir en retard. Son teint était pâle; elle travaillait beaucoup, et sortait peu. Elle fit courir ses doigts fins sur sa joue, à l’affût de la moindre protubérance. Grâce au ciel, elle avait hérité de la perfection de peau de sa mère. Il y avait une justice. Elle fixa les yeux gris du reflet qu'on lui renvoyait. Elle fut contente de constater que ses longs cils tant appréciés et tant enviés contrebalançaient les cernes creusées sur son visage. Un peu de maquillage et il n'y paraîtrait plus. Elle entama le travail, en faisant bien attention de ne pas trop cacher les tâches de rousseurs qui parsemaient sobrement son nez droit et ses pommettes.
Aussi elle passa un léger coup de couleur sur ses lèvres pleines. "Coffee quart" son préféré; Car cela lui donnait un air moins froid, plus "crazy" comme disait sa mère. C'était ça de gagné. Maintenant que sa légère peinture était faite, elle dénoua la serviette qui retenait ses cheveux. Libérés, ils tombèrent lourdement sur ses épaules, un rideau ambré. La lumière de l'ampoule faisait ressortir leurs reflets dorés.
On frappa à la porte. " Prika! tu en as pour longtemps ? " _ " Non, je sors. " Elle les laisserait sécher à l'air libre. Elle aimait dès lors leurs ondulations décoiffées, qui lui donnaient des airs d'amazone. Dans le pire des cas, si l'humidité les rendait insupportable, elle les attacherait. S’enveloppant dans sa serviette de bain, elle quitta la pièce.

" Souvent, j'ai ce sentiment de ne pas savoir ce que je fais là. "

Et c'est bien là l'un des fait principaux qu'il faut renseigner si l'on veut essayer de comprendre notre chère Prika. Cette jeune fille vous parait froide? Oui, un peu. Mais ne prenez pas trop à coeur ses réparties gorgées de cynisme, et si vous êtes suffisamment patient, peut-être vous laissera-t-elle entrevoir le fond de son âme. Une poupée gelée, qui cache une âme brûlante et un tempérament de feu. Quelques malheureuses bribes de son mal être adolescent lui auront valu cette éternelle crise existentielle. Très soucieuse de l'image qu'elle renvoi, quand bien même elle dira s'en ficher comme de l'an 40. Non pas qu'elle soit une fille superficielle, au contraire, puisqu'en éternelle quête de spiritualité et d'authenticité. Si elle vous demandait ce que vous préféreriez, du beau ou du vrai, que lui répondriez-vous? Son naturel art qu'est celui d'être "à côté de la plaque" lui auront permis de plonger profondément dans les affres de réflexions tourbillonnantes, torturant son esprit agile. Dès lors, ce curieux personnage, constamment entre figue et raisin, comme entre instinct et raison, voit son monde intérieur souvent proche de la rupture.

" Les gens sont bizarres. "

Lire dans ses yeux ce qui se passe sous son crâne est un passe-temps exaltant et vain. Plus que douée dans l'art de faire comme si de rien n'était, Prika semble demeurer seule avec elle même, et laisse très peu de gens accéder à ses pensées. Très peu confiante, elle se méfie de tout et surtout de tout le monde. Un tantinet paranoïaque, au coeur d'une théorie du complot, il se passe des jours ou la jeune fille se sens persécutée. Ce genre de sensation d'insécurité et d'angoisse ont tendance à la faire se renfermer sur elle même. Les plus patient pourront essayer de briser sa coquille, et tenter de la faire parler. Mais veillez à ne pas l'étouffer. Au demeurant très indépendante, elle supporte mal d'être aliénée, que se soit à quelqu'un ou à une quelconque situations. Qu'il s'agisse de crainte ou d'orgueil, Prika demande rarement de l'aide, et bascule aisément de la persévérance vers l'obstination.

" Parfois je me dis que tout ça n'a aucune importance. "

Sans fin lassée et blasée de ce qui l'entourait, Prika demeurait une éternelle mélancolique. Si quelque fois son regard se perds dans un sombre néant, n'insistez pas trop, car pour seule réponse vous auriez que "tout va bien". En somme, Prika intériorise beaucoup, et étant très peu expansive, elle apparaît parfois comme une sans coeur.

" Marche ou crève. "

Dans son monde, plongée, noyée dans son quotidiens, Prika perdait souffle, et l'envie de continuer. Consciente du mécanisme de son existence, et consternée de voir cette pâleur comparée à son univers imaginaire, en tant que spectatrice de sa propre vie, il lui arrivait parfois de penser à passer les jambes par dessus la fenêtre. Oui, elle s'était dit que le monde devait changer, qu'il lui fallait quelque chose d'extraordinaire, qui la tire de ses pas monotones.
A son arrivée sur le plateau, c'est en constatant l'étendue de la situation, que Prika prend petit à petit conscience d'une part d'elle même jusque là endormie. Mettant de côté sa blase et son calme maladif, elle révèle au monde et à elle même, un tempérament qu'elle même ne soupçonnait pas; Celui d'une jeune femme impatiente, rendue agressive par la crainte permanente. Cela étant son seul recours, face à la panique. Une rage de vaincre
" Je ne sais pas forcément ce que je veux, en revanche, je sais ce que je ne veux pas" Et parce qu'elle est déterminée à ne pas dire adieu à la vie, elle s'avère avoir développer un instinct particulièrement farouche et malin. De sombres facettes ont émergées: Plus violente, plus sournoise, plus avide et plus à vif. Prika ne se laissera pas marcher sur les pied. Pas cette fois.

L'hiver de 1994 assista à la naissance de cette enfant. Nommée d'un nom étrange, caprice de parents originaux, aux goûts originaux. Prika. Dans son intégralité Marie-Anna Paprika. Sur ses papiers, son prénom usuel sera Marie-Anna. Paprika demeurant un surplus, témoin d'une folie passagère de sa mère. Mais parce que c'était plus mignon, Paprika fut réduit au diminutif de Prika. Devenant dès lors le patronyme officieux de la jeune fille, qui ne tolérera plus qu'on l'appel autrement. Enfant, elle grandit dans un orphelinat, de ses 6 ans jusqu'à sa majorité
Prika à 3 ans, aura un petit frère, puis plus tard encore, une petite soeur. A l'égard de cette dernière un amour incommensurable, qui sera son moteur sur le plateau.
Prika aura menée une vie comme tant d'autres finalement, si ce n'est la disparition de ses parents dans un incendie criminel. (cf plus haut, référence orphelinat)
Alors en classe de cours élémentaires, Prika fera une rencontre que la marquera à vie. Celle d'une camarade de classe, dont elle taira le nom. Une camarade qui devint une amie, et fut la seule et unique personne à qui elle confia toute son âme. Un accidents tragique survenu, l'emporta là où Prika désormais ne pouvait l'atteindre. Cette disparition soudaine laissera à la jeune fille une blessure ouverte, métaphoriquement, d'où cette crainte de se lier aux autres.
Cette nuit là, elle écoutait Desire de U2, et relisais pour la énième fois ce livre qu'elle commençait à connaître par coeur. Elle regarda par la fenêtre de sa chambre. La nuit s'étalait, cette grosse paresseuse, sur les immeubles au loin. Elle ne put s’empêcher de penser que demain serait comme tous les autres jours. Alors elle pria les Dieux auxquels elle ne croyait pas vraiment, de changer sa vie, radicalement, de lui donner une raison de vivre. De survivre.